Les Druides
"Ils sont les gardiens de la culture gauloise."
Des écrits gaulois il ne reste que peu de choses. Nous avons des traces de notation en grec pour le négoce ou encore, sur le calendrier de Coligny (fin du Ier siècle – début IIème siècle ap. J.-C.), l'utilisation de caractères latins mais en langue gauloise. Les seuls écrits qu'il nous reste des Gaulois sont donc des rapports de compte, de transaction ou de graffitis, mais rien dans le domaine religieux. L'écriture sur ce sujet étant frappé d'interdiction par les druides. Les druides voulaient favoriser la mémoire au prétexte que l'écriture rendrait fainéant. Malheureusement la mémoire ne laisse pas de trace durable pour les générations futures. Le cas du calendrier de Coligny est donc particulier, car d'époque romaine, l'influence des druides est beaucoup moindre et la culture romaine est bien présente en Gaule.
Ceux qui souhaitaient devenir druides devaient donc apprendre par cœur et ce, pendant une vingtaine d'années. Et c'est une position recherchée, car le druide est une personne haut placé dans la hiérarchie gauloise et surtout, il est exempté d'impôts. Membres importants des tribus ils sont en lien avec le domaine religieux et correspondent aux rangs de prêtre et de juge. Ils connaissent donc la volonté des dieux, l'astronomie (très important pour organiser les fêtes religieuses) et les lois. Ils sont les gardiens de la culture gauloise. De ce fait, avec la disparition des druides et la romanisation, les sources principales pour retrouver l'histoire de ce peuple sont l'archéologie et les écrits gréco-romains.
Pour certains chercheurs, comme J.-L. BRUNAUX (1). il est faux de parler de druide dans le monde celtique, il s'agirait d'une catégorie propre aux Gaulois. En effet si les Gaulois sont bien des Celtes, tous les Celtes ne sont pas Gaulois. Pourtant, César présente le druide comme originaire de Grande-Bretagne et s'y instruit. Il nous présente même une de leur doctrine : la réincarnation.
"Pour en revenir aux deux classes dont nous parlions, l'une est celle des druides, l'autre celle des chevaliers. Les premiers s'occupent des choses de la religion, ils président aux sacrifices publics et privés, règlent les pratiques religieuses; les jeunes gens viennent en foule s'instruire auprès d'eux, on les honore grandement. Ce sont les druides, en effet, qui tranchent presque tous les conflits entre États, ou entre particuliers et, si quelque crime a été commis, s'il y a eu meurtre, si un différend s'est élevé à propos d'héritage ou de délimitation, ce sont eux qui jugent, qui fixent les satisfactions à recevoir et à donner; un particulier ou un peuple ne s'est-il pas conformé à leur décision, ils lui interdisent les sacrifices. C'est chez les Gaulois la peine la plus grave. Ceux qui ont été frappés de cette interdiction, on les met au nombre des impies et des criminels, on s'écarte d'eux, on fuit leur abord et leur entretien, craignant de leur contact impur quelque justice, ni à prendre leur part d'aucun honneur. Tous ces druides obéissent à un chef unique, qui jouit parmi eux d'une très grande autorité. À sa mort, si l'un d'entre eux se distingue par un mérite hors ligne, il lui succède: si plusieurs ont des titres égaux, le suffrage des druides, quelquefois même les armes en décident. Chaque année, à date fixe, ils tiennent leurs assises en un lieu consacré, dans le pays des Carnutes, qui passe pour occuper le centre de la Gaule. Là, de toutes parts affluent tous ceux qui ont des différends, et ils se soumettent à leurs décisions et à leurs arrêts. On croit que leur doctrine est née en Bretagne, et a été apportée de cette île dans la Gaule; de nos jours encore ceux qui veulent en faire une étude approfondie vont le plus souvent s'instruire là-bas.
Il est d'usage que les druides n'aillent point à la guerre et ne paient pas d'impôts comme les autres: ils sont dispensés du service militaire et exempts de toute charge. Attirés par de si grands avantages, beaucoup viennent spontanément suivre leurs leçons, beaucoup leur sont envoyés par les familles. On dit qu'auprès d'eux, ils apprenent par coeur un nombre considérable de vers. Aussi plus d'un reste-t-il vingt ans à l'école. Ils estiment que la religion ne permet pas de confier à l'écriture la matière de leur enseignement, alors que pour tout le reste en général, pour les comptes publics et privés, ils se servent de l'alphabet grec. Ils me paraissent avoir établi cet usage pour deux raisons: parce qu'ils ne veulent pas que leur doctrine soit divulguée, ni que, d'autre part, leurs élèves, se fiant à l'écriture, négligent leur mémoire. Le point essentiel de leur enseignement, c'est que les âmes ne périssent pas, mais qu'après la mort elles passent d'un corps dans un autre.; ils pensent que cette croyance est le meilleur stimulant du courage, parce qu'on n'a plus peur de la mort. En outre, ils se livrent à de nombreuses spéculations sur les astres et leurs mouvements, sur les dimensions du monde et celles de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance des dieux et leurs attributions, et ils transmettent ces doctrines à la jeunesse.
César, Guerre des Gaules, VI, 13-14"
Le druide, comme il est connu, réalise la cueillette du gui, une plante sacrée. Celle-ci provient du chêne, lui aussi sacré, et la plante soignait tous les maux. Étant sacrée, elle fait l'objet de rituels : le gui est coupé avec une faucille d'or et recueilli sur un drap blanc. Elle ne doit absolument pas toucher le sol. Une fois la cueillette terminée, on sacrifie deux bœufs et on festoie.
Le gui n'est pas la seule plante sacrée, il y a aussi le selago ou le samolus qui bénéficiaient de rites de cueillette propre et un domaine d'utilisation particulier. Pour la première il fallait un sacrifice en pain et en viande, pour la seconde le cueilleur ne devait pas la regarder (2).
"Dans le domaine religieux rien n'est réalisé sans lui"
Dans le domaine religieux, le druide est chargé des sacrifices. Rien n'est réalisé sans lui. Quand on touche au sacré, il faut une personne habilitée. Mais dans le domaine religieux, son travail est partagé avec le vate, et la limite du travail de chacun est encore flou. Ayant bien entendu des connaissances dans le domaine des dieux, les druides placent le dieu appelé Dis Pater comme père de tous les Gaulois. En grec, ce Dis Pater correspond à Hadès, soit le Pluton romain, qu'on surnomme aussi le « Riche » pour éviter sa colère (il n'est en effet pas recommandé d'irriter le seigneur des Enfers). Cette divinité serait donc liée au domaine chthonien, chargée de l'accueil des morts mais aussi de la fertilité. En effet, au printemps tout commence à repousser hors de la terre. Les Gaulois, ayant une mythologie encore obscure de nos jours, pourrait avoir eu une forme de monothéisme (3), caractérisant un dieu sous plusieurs aspects et ne définissant plusieurs dieux que plus tardivement, ce qui expliquerait ce "Dis Pater" géniteur.
"Tout le peuple gaulois est très religieux; aussi vit-on ceux qui sont atteints de maladies graves, ceux qui risquent leur vie dans les combats ou autrement, immoler ou faire vœux d'immoler des victimes humaines, et se servir pour ces sacrifices du ministère des druides; ils pensent, en effet qu'on ne saurait apaiser les dieux immortels qu'en rachetant la vie d'un homme par la vie d'un autre homme, et il y a des sacrifices de ce genre qui sont d'institution publique. Certaines peuplades ont des mannequins de proportions colossales, fait d'osier tressé, qu'on remplit d'hommes vivants: on y met le feu, et les hommes sont la proie des flammes. Le supplice de ceux qui ont été arrêtés en flagrant délit de vol ou de brigandage ou à la suite de quelques crimes passe pour plaire davantage aux dieux; mais lorsqu'on n'a pas assez de victimes de ce genre, on va jusqu'à sacrifier des innocents.
Le dieu qu'ils honorent le plus est Mercure: ses statues sont les plus nombreuses, ils le considèrent comme l'inventeur de tous les arts, il est pour eux le dieu qui indique la route à suivre, qui guide le voyageur, il est celui qui est le plus capable de faire gagner de l'argent et de protéger le commerce. Après lui ils adorent Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. Ils se font de ces dieux à peu près la même idée que les autres peuples: Apollon guérit les maladies, Minerve enseigne les principes des travaux manuels, Jupiter est le maître des dieux, Mars préside aux guerres. Quand ils on résolu de livrer bataille, ils promettent généralement à ce dieu le butin qu'ils feront; vainqueurs, ils lui offrent en sacrifice le butin vivant et entassent le reste en un seul endroit. On peut voir dans bien des cités, en des lieux consacrés, des tertres élevés avec ces dépouilles; et il n'est pas arrivé qu'un homme osât, au mépris de la loi religieuse, dissimuler chez lui son butin ou toucher aux offrandes: semblable crime est puni d'une mort terrible dans les tourments.
Tous les Gaulois se prétendent issus de Dis Pater: c'est, disent-ils, une tradition des druides. En raison de cette croyance, ils mesurent la durée, non pas d'après le nombre des jours, mais d'après celui des nuits; les anniversaires de naissance, les débuts de mois et d'années de naissance, les débuts de mois et d'années, sont comptés en faisant commencer la journée avec la nuit. "
César, Guerre des Gaules, VI, 16-18"
"Les druides veillent à la reconnaissance et aux honneurs aux dieux. Ils sont un des derniers bastions de la culture gauloise et de sa religion."
Après cet extrait, on peut constater que les Gaulois croient donc en plusieurs dieux. Les druides veillent à ce qu'ils les reconnaissent et les honorent. C'est ainsi qu'on peut nommer la divinité du vent du sud comme étant Kird, Pennin le génie des Alpes et Arduine celui de la forêt des Ardennes. On connaît également Taranis qui contrôle le tonnerre, Belenus dieu guérisseur, Epona déesse des chevaux -qui connaît un grand succès d'appropriation de la part des cavaliers romains-. Mais également Teutatès dieu de la tribu en guerre et en paix, Regina la déesse Mère, Smertrios et Ogmios, ou encore Esus et Cernunnos.
Mais avec la romanisation de la Gaule, les druides ont la vie dure. Et sous Auguste la religion des druides et les sacrifices humains sont interdits. Lorsque Claude est empereur (41-54 ap. J.-C.) les druides sont chassés. Ils sont perçus comme les instigateurs des cultes barbares où des hommes sont sacrifiés et aussi comme des hommes qui rejettent Rome et poussent à la rébellion. En réalité les druides sont un des derniers bastions de la culture gauloise et de sa religion et rejettent la religion romaine où l'empereur est presque un dieu vivant. Les druides et bardes sont donc recherchés et exécutés. Ceux qui arrivent à survivre s'en vont en Grande-Bretagne, malheureusement pour eux, Claude traverse la Manche et entame la conquête en 43 ap. J.-C.. Mais ça, c'est une autre histoire.
Notes:
1 BRUNAUX Jean-Louis, Les druides, des philosophes chez les Barbares, éd. Du Seuil, Lonrai, 2006
2 BRUNAUX Jean-Louis, Les druides, des philosophes chez les Barbares, éd. Du Seuil, Lonrai, 2006
3 HATT Jean-Jacques, Mythes et dieux de la Gaule, tome 1 Les grandes divinités masculines, éd. Picard, Cahors, 1989